Un éléctrophone, de ceux qu'on nous offre à 12 ans, placé à la verticale du mur ; un disque qui tourne sur lequel une bonne femme rouge s'agrippe ; à côté, des petits hommes bleus bougent et dansent, ils s'échappent de l'enfer. Polystyrène et poireaux pour les cheveux. Ailleurs, un vieux balais devient une tête, des globes de la carte du monde forment les seins d'une créature étrange. L'univers de Jo Peinture est là, avec sa désinvolture, son insolence et sa pudeur attachante. Peu de place ici pour le sérieux, le pontifiant, et pourtant derrière la dérision ou le clin d'œil, se loge la tendresse, inépuisable.
Mais qui se cache derrière ce nom qui claque comme celui d'une chanson de Lou Reed ? Une jeune femme élégante qui se moque de l'élégance, une sensibilité raffinée qui se fout des bonnes manières. Hostile au discours, elle nous dit malgré tout : « Je ne dissocie pas mon travail de ma vie de tous les jours ». Pour elle, il n'y avait guère de solution : « Soit devenir artiste, sans trop savoir ce que cela veut bien vouloir dire, soit taper sur les gens. Je rêve d'être sourde et muette ».
Ce langage qu'elle traduit dans ses objets, ses dessins, se développe près d'Angers où elle vit. « Là-bas tout est marqué et j'aimerais faire un jour une expo chez moi, d'où l'idée d'apporter mon fauteuil ici ».
Si Jo Peinture avoue n'aimer guère quitter ses lieux familiers, elle aime évoquer son enthousiasme pour l'errance, la déambulation, les films de Jim Jarmusch ou Wim Wenders. Avec émotion, elle se souvient d'un autre angevin, l'artiste Daniel Tremblay. Le ton est généreux, authentique, comme l'œuvre.
En contrepoint de cet art qui égrène sa mélodie à la manière « d'un petit poucet rêveur », on remarquera les énigmatiques sculptures de Denis Péan, présentées dans des boîtes telles des bijoux précieux dans leurs écrins. Sculptures miniatures où interviennent des matériaux comme le fil de fer, des plumes, des sortes de carapaces d'insectes. Un reliquaire étrange, parfois inquiétant, magique.1
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Pierre Gicquel, extrait de Ouest France, 1989. ↩