Jeune artiste étonnante, à la recherche d'une sculpture se libérant de ses carcans académiques ou inaccessibles, Annie Le Ravallec développe un travail énigmatique, doux et inquiétant, répulsif et fascinant, utilisant des matières légères et contemporaines (latex, polystyrène, silicone...) pour des installations souples souvent anthropomorphiques, appelant une relation « troublante » avec le public.
Une des salles de la galerie a été fermée et rendue accessible, seulement à la vue, grâce à une petite ouverture en plexiglas découpée dans un mur. Le visiteur « voyeur » y découvre une grande sculpture inachevée, impressionnante par sa mise en éclairage, sa blancheur, sa matière et sa présence mystérieuse. Pièce naissante et protégée, elle appartient au domaine de l'artiste.
La partie accessible de la galerie prend des allures de salon en latex jaune, sorte d'immenses bas de peaux. D'un porte-ceinture pendent des tuyaux noirs élastiques et mous légèrement gluants et collants. Sur le sol est aligné un « troupeau » de formes blanches et lisses, douces et légères, sorte de haricots ou d'organes.
Aussi attirantes que répulsives (par leur forme, leur couleur ou leurs matières), toutes ces pièces sont à la portée du visiteur, qui peut les toucher et les essayer devant le miroir accroché à l'un des murs. Elles ne sont plus des sculptures inaccessibles et intouchables, sacralisées ou interdites, mais deviennent proches, douces, caressantes, amoureuses et se lovent dans le cou, sur les hanches, le long des jambes.
Sur une table rangée en fonction de leur taille croissante, des boîtes blanches laquées renferment des sphères en latex : comme de gros yeux ou nodules, fascinants et laiteux, à la consistance étonnante, légèrement poisseuse. Ces pièces ont atteint une forme d'aboutissement, l'artiste les veut libres, autonomes, prêtes à trouver un acquéreur.
Aucune des œuvres n'a de nom, ni de titre. Elles trouvent toute une définition dans le petit cartel photographique apposé sur le mur à côté d'elles : Annie Le Ravallec y est photographiée « habillée » de ses sculptures dans des poses légères et envolées. L'objet d'art s'en trouve désacralisé et découvre sa véritable nature : dans son contact direct avec le corps, avec la vie.1
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Extrait de l'article « Anne Le Ravallec à la Zoo galerie. Sur place ou à emporter », Christophe Cesbron. ↩