Projection du film Shelter au Wonder, Clichy (92)

Shelter, le film, est une autre manière de présenter une exposition qui a dû être repoussée à l’année 2022. Œuvre autonome et liée à la fois, c’est un produit filmique expérimental qui reprend les attendus de l’exposition « Shelter » pour en proposer une forme originale, inspirée de la plateforme de visio-conférence Zoom, dont elle emprunte les codes et le format. Lucie Szechter et Benjamin Cataliotti, les deux réalisateurs, ont répondu à la contrainte de faire un film d’auteur en employant le matériel filmique de leurs confrères, tout en s’en dégageant afin d’apporter leur propre vision. Shelter est un documentaire qui documente la production d’œuvres d’autres artistes. C’est aussi une œuvre baroque qui mixe les commentaires des interviewés avec les extraits de leurs films, commentant leurs propres films et ceux des autres – non pas en voix mais en « fenêtre » off. La plateforme Zoom – devenue emblématique d’une époque asservie à la distanciation – a servi de cadre formel à la réalisation d’un film aux contours inédits et au parcours en devenir : teaser d’une exposition future, le film tend à échapper à sa condition première pour remettre en perspective des questionnements fondamentaux que la crise sanitaire a brutalement remis en lumière.

L’exposition Shelter a subi, comme de nombreuses manifestations, les « répliques » du tremblement de terre de l’année 2020 – qui nous a tous atteints dans notre socialité, nos modes d’habiter le monde et d’échanger nos impressions sur ce dernier, de partager nos joies et nos peines. Le projet « Shelter » est né dans les tous premiers temps d’un confinement qui a surpris la planète par la violence des restrictions qu’il a causées et des renoncements auxquels il nous a forcés. Ce dernier nous a aussi poussés à nous retourner sur notre intimité, souvent malmenée, à reconsidérer notre espace vital et notre environnement, à interroger les tenants et les aboutissants d’un mode de vie qui sacrifie énormément au dieu tout puissant du travail. Le télétravail – autre avatar de la crise sanitaire – a entre autres suscité de la réflexion sur la nécessité de se déplacer tous les jours en brûlant des combustibles fossiles, dans une société qui aspire de plus en plus à se débarrasser d’un passé énergétique qui fait figure d’épouvantail. Bref, le virus, en nous forçant à rester chez nous calfeutrés et privés de ce qui fait le sel de la vie, les rencontres, la dépense ou encore le « goût des autres », nous a plongés dans une introspection sur l’essence de notre quotidien : certains ont décidé de quitter les métropoles trop bruyantes pour se réfugier dans une province aux vertus retrouvées de solidarité, chlorophyllée à souhait, en s’étonnant de ne payer que 2,50 euros un « demi » en terrasse – faisant grimper en retour les loyers des chefs-lieux de cantons, tandis que d’autres ont massivement investi dans les plantes d’appartement, élevé le bricolage au rang de science du logis et se sont installés dans le rôle de screen addicts, updatant radicalement la figure du couch potato. De nouveaux habitus ont commencé à habiter les habitants des grandes villes.

Réalisation : Lucie Szechter et Benjamin Cataliotti Valdina
Avec : Nelson Bourrec Carter, Julie Béna, Alain Declercq, Hoël Duret, Ben Thorp Brown, Anne-Charlotte Finel, Armand Morin, Gwenola Wagon & Stéphane Degoutin, Thomas Teurlai et Alain Damasio, Yan Tomaszewski
Production : Zoo galerie
Durée : 30 minutes
Année : 2021

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