La belle peinture est derrière nous

Dispositif vidéo de Pierrick Sorin

La revue 303 vient de lui offrir une page blanche dans son dernier numéro. Invité par le FRAC, il participe durant l'été aux Ateliers internationaux qui se tiennent durant l'été aux Ateliers internationaux qui se tiennent à la Garenne-Lemot, près de Clisson. Diplômé l'an dernier de l'école des Beaux-arts de Nantes, il a reçu cette année la bourse régionale d'aide à la création. Il est également intervenu dans le cadre du service arts plastiques de la maison de la culture de Loire-Atlantique, qui s'associe aujourd'hui avec Zoo galerie dans le prêt de matériel vidéo. Le dispositif qu'il installe dans ce lieu décidément actif, prolonge ses recherches sur l'image, recherches qui oscillent constamment entre cinéma et vidéo, fiction et documentaire, en une suite d'actes pleinement artistiques où s'exprime, non sans humour, une réflexion aiguë sur nos petites histoires humaines.1

Au centre de la pièce, une boîte volumineuse, noire, accueille le visiteur. Muni d'un casque écouteur, s'il se penche par l'ouverture, il aperçoit deux postes vidéo ; celui de gauche lui renvoie sa propre image (une caméra l'a filmé à son insu), l'autre, en vis-à-vis, préenregistré, présente Pierrick Sorin s'adressant au spectateur, lui intimant l'ordre de se pousser pour qu'il puisse admirer la « belle peinture qui est derrière lui », la dite peinture tournant le dos littéralement au voyeur impatient.
« J'espère provoquer un sentiment de perturbation » dit Pierrick Sorin, « vous voulez voir de la vidéo et quelqu'un vous demande de lui permettre d'admirer une peinture. » L'humour est une façon décapante d'exhiber nos ridicules, Sorin s'y emploie en se mettant lui-même en scène. Il l'affirme d'ailleurs : « Je suis dans le bain. Je suis moi aussi un des pions de la bêtise humaine. »

L'artiste, malicieux, aime ainsi déjouer nos habitudes visuelles, remettant en cause nos conformismes, et ceci de manière chaque fois efficace. Mais derrière la dérision qui forme le nerf de ses dispositifs ou de ses films, se cache quelqu'un de secret, de grave peut-être. Il nous livre cette autre dimension de lui-même et aime à citer l'écrivain Cioran qui confiait à quelqu'un qui voulait de suicider « que le meilleur moyen de garder la vie, c'était de pouvoir s'en moquer », et qui notait également : « Dans un monde sans mélancolie, les rossignols se mettraient à roter. »
Pierrick Sorin s'attache à fracturer notre confiance souvent béate devant la matière filmique. Vidéaste et cinéaste, ce qui l'intéresse n'est ni la fiction, ni le documentaire mais les terrains d'ambiguïté. 2


  1. Il s'agit de la première exposition personnelle de Pierrick Sorin. 

  2. Extrait de l'article « À Zoo galerie, Pierrick Sorin. La belle peinture est derrière nous », Pierre Giquel, Ouest France, 5 juillet 1989.