Donc, tu vois une demie oie ?
Un autre que moi en vérité, un trouvère, a vu cette moitié d’oie. Peut-être l’exposition se prête-t-elle a ce genre de vision puisque un certain nombre de choses ici apparaissent coupées en deux. C’est le propre du fatras, un premier distique est coupé en deux et une suite étrange comble ce qui les sépare. Dans l’exposition, on peut trouver un recueil de trente fatras de Watriquet de Couvin. Les illustrations sont empruntées à un film qui n’a été fait que dans la perspective du livre. Je tenais à ce que les images soient réunies dans un même plan séquence, puis du fait du livre, soient retirées à cette continuité. Le film raconte que ce qui sépare les deux mains d’un même corps est infiniment plus grand que la seule envergure
Beaucoup de peinture dans l’exposition de quelqu’un qui ne se dit pas peintre…
Je ne me préoccupe pas de ce qui caractérise le médium. Si je peins quelquefois, c’est pour distinguer des espaces singuliers. À l’endroit de la décollation, c’est voir des abstractions miniatures, mais nécessairement c’est figurer aussi le dedans d’un corps, surtout c’est reconnaître des corps coupés dans les vitrines des magasins. Ailleurs, c’est se tenir dans l’ombre de la chose imprimée : une peinture s’est substituée au titre de l’ouvrage et au nom de l’auteur.
Tes choix semblent souvent des non-choix… Notamment les objets présents dans cette exposition.
Je ne dirais pas cela. Ce ne sont pas des non-choix. C’est le monde qui transpire. C’est Matisse qui disait qu’il peignait le dos des bouquets arrangés. J’essaie de pousser les choses de façon à ce qu’elles s’imposent d’elles-même.
