Martin Kreiss, 25 ans, un artiste natif de Hambourg, en Allemagne du nord. Il vit dans le sud de la France et s'apprête à créer à Nantes un « événement urbain » dans le style de ceux qu'il a déjà produits à Paris et à Fontenay-le-Comte. Rendez-vous sur la place Graslin du 6 au 16 mars.
À Paris, dans le 18ème, il avait installé un petit débit de lait, ouvert dès l'aube, devant un supermarché, pour jouer précisément sur le subtil « décalage » entre le grand commerce et la vente à l'unité.
À Fontenay-le-Comte (Vendée), où la gare SNCF n'accueille plus de trains de voyageurs mais continue à vendre des billets pour toutes les destinations, il a, en sonorisant d'édifice, recréé l'ambiance d'une grande gare, pleine de bruissement des voyageurs, du bruit des trains et des annonces d'arrivées et de départs.
À Nantes, c'est une salle de restaurant éphémère qu'il va reconstituer dès cette semaine sous la forme d'un cube en verre posé pour dix jours sur la pelouse de la place Graslin. Il explique : « Ce sera une sculpture habitée. Chaque soir, de 20h à 22h, un couple sera invité à y dîner ; un couple fortuit. »
En effet, ce tête-à-tête sera le fruit du hasard : « Un homme et une femme, qui ne se connaissaient pas auparavant, seront invités à partager leur repas. Peu importe la différence d'âge ou de condition sociale. Tout le monde les verra, mais nul ne saura ce qu'ils se disent... » Marcus Kreiss indique que les images vidéos seront prises « pour garder une trace de l'événement ». Des images, il le précise encore, « sans paroles ».
La Cigale, la grande brasserie voisine, fournira le repas et la cave Le Fief de Vigne les vins. Ce sera « une sculpture habitée ». Mais différence fondamentale avec l'art officiel qui squatte ad vitam aeternam les espaces publics, cette œuvre se veut délibérément éphémère : « L'important, c'est le souvenir qu'elle va laisser dans la tête des Nantais. »
Marcus Kreiss avait d'abord songé à une entrée de ville. Il aurait bien vu sa création dans l'île Beaulieu « entre les deux ponts, devant le garage Volkswagen, signé Bartho et Bartho », mais la place Graslin, espace de représentation par excellence, avait le mérite d'être plus centrale.
Une piscine destinée au seul maître nageur et « noyée » au milieu d'un échangeur autoroutier, c'est le prochain événement auquel travaille déjà Marcus Kreiss. Il ne sait pas encore où il l'implantera.1
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Extrait de l'article « Dix dîners impromptus sur la place Graslin du 6 au 16 mars. La sculpture habitée de Marcus Kreiss », Jacques Boislève. ↩