Le trouble de l’attention est un trouble qui affecte principalement les écoliers et que l’on attribuait auparavant à un manque de concentration ou à une tendance à se désintéresser des programmes proposés par leurs enseignants. Depuis peu le trouble de l’attention (Attention Deficit Disorder en anglais), sous l’effet du bombardement incessant des informations en tous genres, en provenance principalement des médias en ligne et des réseaux sociaux, est devenu le symptôme d’une société où les humains sont sollicités en permanence par des injonctions à consommer des biens tangibles, mais aussi et de plus en plus des biens culturels, quand ce n’est pas l’information elle-même qui devient la principale cible de ces injonctions. L’infotainment, ce néologisme forgé par la langue anglaise traduit bien la dérive de ce qui à l’origine était censé mettre en alerte les sens et la conscience, pour devenir un produit de « grande écoute » comme un autre, au même titre que les tubes ou les interviews des stars.
Le festival Attention Deficit Disorder prend à contre-pied le côté négatif du trouble, qui est une vraie affection handicapante, pour n’en garder que l’aspect positif qui peut s’entendre comme une liberté de passer du coq à l’âne et de ne pas se laisser posséder par la prégnance des injonctions consuméristes. Ainsi pour sa première édition, en 2022, le festival inaugurait sa session avec la partie d’échecs mythique qui eut lieu entre Bobby Fischer et Boris Spassky en 1972 mettant fin à la domination des Russes sur les échecs mondiaux, partie performée et commentée en direct, avant d’enchaîner avec l’invitation faite aux artistes ukrainiens, suivies de lectures, de screenings, de performances et de conférences tout au long des quatre jours que dura le festival. Si ce dernier collait d’une certaine manière à l’actualité (avec en toile de fond le conflit russo-ukrainien), l’idée était d’aborder cette actualité d’une toute autre manière que celle qui est faite par les médias, en privilégiant les dérives et les ruptures, en cherchant à briser la dramatisation que pratiquent ces derniers, qui obéissent à des stratégies de fidélisation des auditoires. Passer du coq à l’âne permet de prendre du recul et paradoxalement de mieux appréhender une ou des informations qui souvent nous hypnotisent plus qu’elles ne nous éveillent.
L’édition de 2023 reprend les mêmes positionnements, surfant sur une actualité littéraire, filmique, poétique et performative, invitant des designers·euses à parler de leur pratique (Florence Doléac, Atelier Blam, Barreau Charbonnet), des performeurs·euses (Les chants de Kiepja, Charly Bechaimont), à s’immiscer au milieu de présentations d’ouvrages (Yoann Thommerel et ses commentaires « augmentés » sur sa fréquentation assidue de cafés et de restaurants de Paris et de province, une lecture de Théo Casciani), à venir perturber un programme filmique pour le moins éclectique (Churchill, Polar Bear Town, d’Annabelle Amoros, Grandeur Nature d’Arnaud Dezoteux, Leaks d’Alain Declercq), le tout troublé tous les jours par la scénographie changeante de Rich designers.
