Si l'art comme attitude n'est pas un fait nouveau, l'engagement de Nicolas Floc'h est exemplaire. Ce jeune artiste (il est né en 1970 et vit à Nantes) fait partie de cette génération pour qui l'art ne peut plus se cantonner aux limites du musée ou de la galerie, tout en n'excluant pas ces derniers.
L'atelier de Nicolas Floc'h est resté ouvert tout l'été, à La Turballe et ses environs. Nous l'avons rencontré dans des jardins, au coeur des marais salants, sur le marché, autour d'une table. L'oeuvre qui se développe ici tient de la malice comme de la grâce.
Nicolas Floc'h écrit et produit. C'est aussi un artiste qui vend. Environ six cents pièces en cette fin d'été. C'est également un artiste qui récolte. Il peut vous inviter à sa table. Car avant l'été il a semé.
Tomates, oseille, poireaux, radis, salade, mais aussi immortelles, cosmos, soleil. Et sel. Bientôt poissons et lait. Dans une note qu'il adresse à tout acheteur-collectionneur éventuel, il est précisé : « Vous venez d'acheter un produit art. En effet, ce produit fait partie d'un processus appelé "écriture productive"... Chaque produit est issu du mot qui le désigne, par exemple, le mot tomate est écrit avec des plants de tomates et les tomates que vous achetez viennent de ce même mot. »
Une participation active du visiteur-consommateur est demandée. Nicolas Floc'h sollicite de la part de chacun la prise en charge photographique de ses talents de cuisinier ou de mangeur. Chaque double peut alors lui être adressé. Et à chaque vente un certificat d'authenticité est dressé. « Chaque produit est travaillé de ma main et est issu du mot le désignant, par ce fait il est considéré comme produit art authentique. »
Synthèse enjouée des artistes de l'action, du land art (l'art dans la nature), de Yves Klein (celui qui signait le ciel bleu de Nice dès l'âge de 16 ans), du eat-art (eat : manger). Nicolas Floc'h ne semble pas s'être alourdi de ses références. Ni subir les inquiétudes d'un marché de l'art que l'on dit aujourd'hui en piteux état. Pied de nez sans doute, mais aussi une approche intelligente, plus humaine, plus joyeuse de ce qui s'est voulu dans ce siècle, une réconciliation entre l'art et la vie. Tarte à la crème des historiens qui s'émancipe ici, en toute liberté.
Nicolas Floc'h sera présent dès le mois de septembre à Nantes sur le marché Talensac. Durant octobre, un bureau d'informations s'ouvrira dans les locaux de Zoo galerie, 1 rue Santeuil.1
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Extrait de l'article « Du marché aux marais salants autour d'une table. Nicolas Floc'h : quand l'art s'émancipe », Pierre Giquel, Ouest France, 4 septembre 1995. ↩